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J’ai encore fait ce cauchemar de merde la nuit dernière..

                   Je me suis réveillée en sursaut et pendant  quelques secondes,

j’étais incapable de distinguer ce qui était réel de ce qui ne l’était pas...

         Je ne sais pas si tu te rends compte, je parle d’un truc qui dure peut-être six à dix secondes.

Ca parait rien comme ça.

         Mais après chaque cauchemar, durant quelques instants, je perds absolument tout repère.

Je ne sais plus dans quelle réalité je vis.

Durant ces quelques secondes, je suis folle à lier.

                   Et je peux pas m’empêcher de pleurer...

                                     

 

Et puis, petit à petit, tout redevient normal.

         J’entends le mécanisme régulier de mon réveil.

Je sais que je suis dans ma chambre.

                            Je sais que le cauchemar est terminé.

Je me dit que c’est fini, qu’il va enfin me laisser tranquille...

 

                   Ca arrive des fois.

Ouais.

                   Mon record, c’est cinq nuits peinardes...

Mais je sais tout au fond de moi qu’il va revenir...

Au moment où je vais baisser ma garde.

 

                   Il m’a fallu du temps pour comprendre pourquoi il me harcelait...

                                      Et aussi déjanté que ça puisse paraître, je crois que je suis sur le point de trouver...

                                                                          

 

 

 

 

“LE LENDEMAIN MATIN”

Par Lionel OLENGA

 

 

 

Je ne sais pas à qui en parler, si ce n’est à toi, mon journal.

J’ai bien essayé d’en discuter un peu avec Laure.

Mais c’est pas pareil.

         Il s’est produit des choses...
Je ne peux pas tout lui dire...

         Tu sais que, depuis le décès de papa,  je vis avec maman dans un petit appart en banlieue...

J’avais sept ans à l’époque.

J’en aurai bientôt seize.

 

                   J’ai toujours éprouvé un drôle de sentiment vis-à-vis de ma mère.

Bien sûr, je crois que je l’aime plus que tout au monde, mais il y a une partie de moi qui la hait.

         Je veux dire...

qui la hait vraiment.

                   Plus ça va et pire c’est...

Je sais, ce ne sont pas des choses à dire, et encore moins à écrire...

Mais c’est vrai, il y a des moments où je crois que je serais capable du pire...

         Comme par exemple, chaque fois qu’elle entre dans ma chambre pour me faire des remontrances, me punir, ou d’autres trucs comme ça.

Non, soyons précise...

Après tout, si je ne le suis pas avec toi, je ne le serai jamais.

Ce qui m’énerve par-dessus tout, c’est ça façon de justifier tout ce qu’elle me fait subir.

“C’est pour ton bien...” qu’elle me dit.

Pour mon bien...

                   C’est tellement facile...

 

Pendant des années, j’ai accepté sans rien dire.

Et puis, j’ai fini par me rendre compte que ce n’était pas normal.

Autant de sévérité...

         Autant de règles injustes...

 

Je ne peux pas sortir comme la plupart de mes copines...

Je ne peux pas...

         Si je me mets à lister tous mes interdits, je vais me payer une sacrée crampe au poignet...

 

 

Venons-en à l’essentiel, veux tu?

                                     

 

         Les cauchemars ont commencé il y a deux ans.

Disons que leur arrivée a coïncidé avec le moment où j’ai pris conscience que je détestais maman.

                  

         J’avais toujours cru ne rien savoir du décès de papa.

                   et pour tout dire la seule fois où j’avais voulu en parler avec elle, maman m’avait répondu qu’il valait mieux ne plus parler de tout ça..

“Pour mon bien...”

        

                   C’est la nuit qui a suivi que j’ai fait le premier rêve.

 

         Je dormais paisiblement.

Et j’ai ouvert les yeux.

 

                   J’étais dans mon ancienne chambre.

                            Celle de la maison où nous habitions avant la mort de papa.

avant qu’on ne déménage dans cet horrible appartement...

         Je dis ça comme si c’était évident, mais la première fois, il m’a fallu du temps pour comprendre où j’étais.

                  

         Il y avait de la lumière qui provenait du couloir.

Je me suis levée.

Apparemment j’avais retrouvé ma taille de petite fille de sept ans, parce que j’ai failli tomber en sautant du lit.

         Je me suis avancée jusqu’à la porte.

 

                   Et là, pareil...

La poignée était vachement haute par rapport à moi...

         J’ai quand même réussi à sortir de la chambre et j’ai descendu les escaliers...

Il y avait du bruit qui provenait de la salle de bains.

 

         Papa et maman se disputaient.

 

Ca aussi c’est bizarre, parce que je dois bien admettre que je n’ai aucun souvenir de dispute ou de truc de ce genre...

 

                   J’ai pu m’approcher de la salle de bains.

J’ai longé le couloir, je suis passée devant le vase de collection de maman...

Et je me suis arrêtée au niveau de la porte...

 

         J’entendais les cris de l’autre côté,

mais même en me concentrant très fort, je serais bien incapable de dire de quoi il s’agissait.

         Je crois que c’était surtout maman qui hurlait.

Comme elle le fait avec moi si souvent.

                  

                   Oui.

Les cris et le vrombissement de son sèche-cheveux...

 

         Il fallait que j’ouvre la porte.

 

Alors je l’ai poussée.

Et j’ai vu maman tourner vers la baignoire où papa prenait son bain.

 

                   Il souriait.

Papa était toujours si gentil avec moi.

Je ne me souviens pas très bien de lui, ce qui est bizarre vu que je me rappelle un tas de truc de quand j’avais quatre ou cinq ans... peut-être même avant... mais lui.. Rien.

Si ce n’est son sourire...

et sa gentillesse...

 

 

Lentement, il a tourné la tête vers moi, et il allait dire quelque chose quand maman s’est remise à crier.

 

         Elle tenait son sèche-cheveux à la main. Mais elle gueulait tellement qu’elle couvrait le bruit du moteur...

Et avant qu’il ait le temps de dire quoi que ce soit,

                   elle a lancé l’appareil dans l’eau de la baignoire.

Le visage de papa s’est tordu de douleur...

Il a poussé un hurlement.

                            Et je l’ai vu...

Je l’ai vu griller...

 

 

 

                                               La vache.

Chaque fois que je repense à ce cauchemar, j’ai toujours la chair de poule...

         Toujours est-il que je me suis réveillé après ça...

 

Et depuis, plus ou moins régulièrement, je fais ce cauchemar...

Je vois ma mère tuer mon père.

 

La vache. Je crois que ça rendrait à moitié fêlé n’importe qui ça...

 

 

Bien sûr, je me suis demandé pourquoi je faisais ce rêve... Le fait que je détestais ma mère devait y être pour beaucoup... Je la rendais responsable de sa mort...

 

 

         Mais depuis la nuit dernière, j’ai enfin compris la véritable raison...

                   ...un truc tellement dingue que ça rend tout le reste complètement insignifiant...


 

 

 

                   Excuse-moi de t’avoir abandonné, mais maman est rentrée du boulot...

Et tu sais à quel point elle se montre curieuse...

 

        

         La vache.

Il est déjà 23 Heures.

                   Je ne vais pas tarder à aller me coucher.

 

Mais avant, je veux tout mettre par écrit.

 

         Allez...

 

Comme ça m’est arrivé bien des fois, je me suis réveillée dans mon ancienne chambre.

                   Tu sais que plus ça va, et plus je suis en mesure de distinguer l’environnement.

Mon petit bureau.
Mes trois poupées.

         Le poster de Michael Jackson.

 

J’ai même l’impression qu’ils sont là pour me faire perdre du temps...

Pour me faire arriver trop tard...                                          

                   Toujours est-il que cette fois je n’ai pas perdu de temps, j’ai foncé vers les escaliers...

J’ai poussé la porte comme j’ai pu et j’ai dévalé les marches quatre à quatre.

J’ai longé le couloir, j’ai dépassé le vase de collection et je me suis arrêtée près de la porte de la salle de bains.

                   J’entendais encore les cris de maman.

Elle lui reproche encore d’être trop gentil avec moi...

         Tu ne peux pas imaginer à quel point elle me fait peur dans ces moments là.

J’ai poussé la porte à l’instant précis où elle jetait le sèche-cheveux dans la baignoire.

J’imaginais son sourire hideux en entendant les hurlements de papa.

 

Mais c’était pas ça le pire...

Le pire, c’était l’odeur de viande grillée qui s’est répandue dans la salle de bains...

 

                   J’ai pas pu retenir un cri.

         Et avant que je puisse faire quoi que ce soit, maman s’est retournée vers moi.

 

Ses yeux était bizarres.

         Ce que j’y ai lu, je serais bien incapable de le décrire,

mais ça m’a foutu les pétoches  comme jamais...

Et le pire, c’est que le cauchemar ne voulait pas finir.

 

J’avais beau me répéter : ”réveille-toi!!! Allez!”

Y avait rien à faire.

 

         Alors, j’ai fait un bond en arrière.

Et je me suis sauvée dans le couloir...

                   Et en regardant derrière moi pour voir si maman me poursuivait, j’ai accroché son vase de collection...

 Il s’est brisé en miettes...

                           

                   Et c’est là que je me suis réveillée...

 

Je me sens tellement nase.

Mais il faut que je termine avant d’aller dormir.

 

                   Le truc dingue dont je te parlais tout à l’heure, c’était pas pendant le cauchemar...

Non, ça s’est produit ce matin.

Quand je me suis levée pour prendre mon petit-dej, j’ai tout de suite vu qu’il n’était plus là.

         Le vase, je veux dire.

 

Il se trouvait sur le petit meuble dans le couloir.

         C’était pas possible qu’elle ait décidé de l’enlever.. Elle y tient comme à la prunelle de ses yeux.

J’avais bien une idée, mais ça me paraissait tellement fou qu’il fallait que j’en ai le coeur net.

Alors, je suis allée voir maman et je lui ai demandé où il était.

         La vache.

Elle m’a regardé comme si j’étais malade.

Et elle m’a demandé de quel vase je voulais parler.

J’ai fait un effort pour paraître calme, mais je te jure que mon coeur battait la chamade. Je lui ai décrit. Et là, c’est elle qui a fait une drôle de tête.

         Il y a eu un moment de silence.
Et puis elle m’a dit que je l’avais cassé il y a des années.

                   Tu comprends où je veux en venir?

 

J’ai pensé qu’à ça au lycée toute la journée.

         Aussi inimaginable que ça puisse être, j’en suis arrivée à la conclusion que si je changeais quelque chose dans mon rêve, ça se répercutait dans la réalité.

 

                   C’est tellement fou que je veux pas y réfléchir davantage.

         Pour la première fois depuis bien longtemps, j’ai hâte d’aller dormir.

Et j’espère que je vais faire le rêve...

                   A demain journal.

 


 

        

                   Je suis complètement plongée dans les ténèbres, mais je sais que je suis dans mon ancienne chambre.

         Je pousse les draps et saute par terre.

Il s’agit de ne pas perdre de temps.

                   Comme d’habitude, mes yeux s’adaptent à l’obscurité et je commence à deviner tout un tas de trucs.

A chaque fois, il y a quelque chose de nouveau.
Là, c’est ma petite bibliothèque avec ma collection de livres Disney.

                   Mais j’ai pas le temps cette fois.

         J’arrive à la porte.

Elle est lourde.

Mais elle ne me résiste pas plus que d’habitude.

                            Cette fois, j’entends les éclats de voix de maman du premier étage.

Et plus j’approche de la salle de bains, pire c’est.

Je comprends rien à ce qu’elle raconte, mais elle est déchaînée.

         Je sais qu’elle va pas tarder à balancer le sèche-cheveux.

Mais pas ce soir.

                   Je le jure.

                            Pas ce soir.

 

Plus que quelques mètres.

         Dépêche-toi.

                   Allez!

 

                            Je pousse la porte entrouverte de toutes mes forces.

Maman me tourne toujours le dos, le sèche-cheveux à la main.

         Je sais qu’elle ne va pas tarder à le lancer.

 

Papa me voit.

                  

 

                            Son visage s’illumine.

 

 

 

                                               Maman arme son bras.      

 

 

En courant je la dépasse et me jette dans les bras de mon père en fermant les yeux.

Ca le fait rire.

Sa voix est tellement douce et réconfortante.

         Lorsque j’ouvre les yeux, maman a abaissé son arme.

Elle m’ordonne de retourner coucher.

                   Mais je ne lâche pas papa.

         Maman me tire violemment par le bras et m’entraîne hors de la pièce..

Je lui dit qu’elle me fait mal et me met à pleurer.

 

                   Lorsqu’elle retourne dans la salle de bain, elle claque la porte derrière elle.

Mais j’ai le temps de voir ce que je voulais: papa est sorti de la baignoire.

 

                   Il est sauvé.

 

         Je me sens si fatiguée.

Tout tourne autour de moi.

Le rêve est terminé.

         J’ai réussi.








 

 

 

LE LENDEMAIN MATIN

 

 

 

         C’est la lumière qui me réveille.

La lumière d’une belle journée ensoleillée.

                  

         Je regarde par la fenêtre.

                            Et ce que je vois me fait sourire.

                                      Nous n’avons pas déménagé.

 

 

Je suis bien dans ma chambre de petite fille...

Elle a changé bien sûr, mais c’est toujours la même pièce.

 

         Ca a marché.

Au-delà de toutes mes espérances...

         Maman n’a pas eu le temps de tuer papa...

J’ai réussi!

 

         Je traverse la pièce en courant comme une cintrée.

 

 

Il faut que je sois sûre...

 

         Quelques instants plus tard, j’arrive dans la cuisine.

Et il est là.

Bien qu’il me tourne le dos, je le reconnais immédiatement.

Papa.

Mon papa.

 

 

 

         Je crois que je lui fais un peu peur en me jetant à son cou comme je le fais, mais c’est plus fort que moi.

Je sens son odeur.

         Sa barbe naissante du petit matin.

                   Sa voix est si douce.

Maman aurait hurlé si je lui avais fait renversé son café comme je viens de le faire.

Mais pas lui.

Lui, il sourit en ébouriffant mes cheveux.

 

                   Je voudrais lui dire tant de choses...

         Mais il me prendrait sûrement pour une dingue.

 

Il me serre fort contre lui.

Sa voix est chaude et rassurante.

         Il me dit qu’il est content de voir que je ne lui en veux plus...

 

                   Je sens sa main dans mon dos.

Comment pourrais-je lui en vouloir?

                           

 

         Je l’embrasse en me serrant contre lui.

Sa main glisse le long de mon dos.

Elle ne s’arrête pas là où elle le devrait.

 

                   J’essaie de me lever, mais il me maintient contre lui.

 

Sa voix est tout aussi calme, mais ce qu’il dit n’a aucun sens.

 

                   Et soudain, j’entends tout.

         Les disputes que je ne comprenais pas...

                            Les hurlements de maman résonnent dans ma tête, plus compréhensibles que je ne l’aurais jamais souhaité...

 

Tu crois que je n’ai pas compris ce que tu veux faire avec elle?!

 

La main de papa se glisse entre mes cuisses serrées.

        

                   Je te jure que je te tuerai si tu t’avises encore de l’approcher!

 

Il faut que je le griffe pour qu’il relâche son étreinte.

 

                                      Tu vas tuer personne... Et je ferai avec elle exactement ce que j’ai envie de faire...

 

 

Je m’enfuis en appelant maman au secours...

                   Je comprends maintenant...

Derrière moi, papa s’est levé et avance dans ma direction...

         Il éclate de rire...

Ce même rire qui me paraissait si gai dans mes rêves et qui me fait frémir d’horreur...

                   Et il me dit que ça ne sert à rien d’appeler maman...

                            qu’elle ne risque pas de m’entendre là où elle est...

Et il se met à me parler de l’accident qu’elle a eu...

                   électrocutée dans la salle de bains...

 

         Elle ne nous génera plus... Nous sommes tous les deux maintenant...

 

 

Il me dit ça sans hausser le ton, de sa voix si douce et chaleureuse...

 

Je cours vers ma chambre en hurlant de terreur.

 

 

Il faut que je dorme.

 

 

Et que je rêve...

 

 

 

FIN

 

 

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